jeudi 1 septembre 2016

Pourquoi j'ai suivi mon chef aveuglément !




Voici ce que me racontait un participant à la fin d’une journée de formation :  
   1992 : ce n’est pas ma date de naissance et je le déplore, mais la date de mon entrée dans la vie active. Après deux années passées dans une PME comme technico-commercial, des résultats insuffisants et une fusion de l’entreprise avec le géant européen du secteur ont mis fin à cette première expérience. 
   Me voilà à nouveau en quête d’un travail avec son cortège de CV, de lettres de motivation, d’épluchage d’annonces dans les journaux (oui, j’ai connu l’époque que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître où l’on trouvait les offres d’emploi sur une espèce de cahier en papier que l’on appelait journal), d’entretiens d’embauche. 
   « Quartier de La Défense, tour vitrée étincelante… « C’est sûr que si je décroche le job, ce serait pas mal » m’étais-je dit alors en me rendant à un entretien d’embauche. A 22 ans, on est parfois très attiré par les apparences et tout ce qui brille…   
   Après quelques minutes d’attente dans le hall d’accueil, un petit monsieur (par sa taille) presque aussi jeune que moi me reçoit. D’entrée de jeu, le discours  n’est pas très engageant : « Nous sommes le leader français des peintures anti-corrosion, exclusivement  pour les ouvrages d’art. Notre part de marché est de 60%, donc nous sommes la cible privilégiée de nos concurrents. De plus, le marché français perd en volume et en valeur entre 5 et 10% par an car on construit de moins en moins de charpentes ou de ponts métalliques. Notre grande époque était celle de Gustave Eiffel et elle est loin derrière nous. » 
   « Ouah ! Je vais vous laisser tout de suite » me suis-je dit intérieurement. Mais, nécessité fait loi, je suis resté sagement à l’écouter encore. Il a poursuivi : « Parlons maintenant de notre projet d’entreprise : il est très simple, nous visons une croissance de 5% par an de notre chiffre d’affaires. Facile, puisque nous avons encore près de 40% de parts de marché à conquérir. Ensuite, nous souhaitons gagner tous les appels d’offres concernant les chantiers emblématiques : la Tour Eiffel, le pont Alexandre III, le dôme du CNIT, le viaduc de Garabit, etc. Nous avons  les savoir-faire, les partenaires et les produits pour cela. Ils sont pour nous ! » 
    « Ouah ! Ce type est fou ! » me disais-je encore. Mais nécessité … 
   « Pour réussir ce projet, vous vous doutez que nos exigences envers nos collaborateurs sont  très fortes. Vous postulez pour un poste de chargé d’affaires, sachez qu’il va falloir vous battre chaque jour. Vous devrez convaincre les donneurs d’ordre, faire du lobbying pour influencer les appels d’offre. Vous devrez aussi faire adhérer les entreprises d’application de peintures à nos solutions, et même nous faire référencer dans celles qui ne sont pas encore clientes. Ce sera un combat de tous les jours, et nous le gagnerons ensemble ! Ce ne sera pas facile, mais quand vous parlerez à vos amis de votre travail, vous serez fier de ce que vous aurez accompli. » 
   « Je signe où ? » me suis-je dit. Il m’a proposé le poste et j’ai signé. 
   La réalité fut conforme aux promesses : beaucoup d’exigences, beaucoup de travail, beaucoup de réussites et de reconnaissance. Cinq très belles années. 
   Vingt-quatre ans après, quel est mon regard sur cette expérience professionnelle ? 
   Mon manager de l’époque est resté pour moi un exemple que je sais aujourd’hui analyser : 
   Exigence : il y en avait beaucoup, sur le comportement, la tenue, l’engagement, le travail et les résultats. Mais combien la réussite est plus valorisante quand elle se fait conformément à l’exigence ! « On l’a fait, mais on l’a bien fait. Très bien, même ! » 
   Valorisation : notre manager savait prendre du temps pour nous écouter sur des sujets positifs. Que ce soit sur un effort, un progrès ou un résultat, il portait toujours un regard sincère, valorisant et empathique. 
   Passion pour le métier : quand il parlait du métier ou des clients, on ressentait toujours que le sujet le passionnait et qu’il était prêt à se battre pour gagner les marchés et faire gagner les clients. Il pouvait parler pendant des heures d’un client, d’un chantier ou d’un produit, avec toujours cette petite lumière dans le regard. 
   Projet : il me l’avait annoncé dès les premières minutes de mon entretien d’embauche. Un projet clair, ambitieux mais réalisable. Tel le capitaine du bateau avec son sextant à la main, il savait, même quand la mer était très agitée, où il était et où il voulait aller : « Cette année, je veux que nous remportions les marchés de la raffinerie de Dunkerque, le nuage metallo-textile de l’Arche de la Défense et la charpente du stade de France. On ne laisse pas ces chantiers aux concurrents ! » 
   Le plus incroyable, c’est que pour mes collègues et moi, tout semblait facile. Nous étions portés et nous en venions à chercher les challenges qui semblaient impossibles aux autres. Nous en avions envie.  
   Pendant cinq ans, je n’ai pas compté mes heures, jamais regardé ma montre, ni les kilomètres qui s’accumulaient au compteur de ma voiture. Quand j’étais grippé, je pensais à la journée qui m’attendait et je n’aurais pas aimé quelle se fasse sans moi. Quand je finissais un rendez-vous en fin d’après-midi, je trouvais toujours le temps de repasser au bureau pour échanger avec lui sur la journée passée et pour préparer celle du lendemain. 
   Mais toutes les choses ont une fin. Ce manager est reparti dans sa province rémoise pour reprendre une entreprise locale. Il a été remplacé par un autre manager … moins valorisant, moins exigeant, avec moins de projets et de passion pour le métier. Je suis parti quelques mois après, comme d’autres. 
   Il me reste aujourd’hui le souvenir de cinq très belles années avec un manager exemplaire. Je pense souvent à lui, à ce qu’il aurait fait dans telle ou telle situation. Il m’a beaucoup enrichi, beaucoup fait grandir.  
   À travers cette expérience, j’ai compris qu’il n’y a pas de performance durable sans management.

Et vous, qu’en pensez-vous ? 
Bonnes réflexions.
                                                              Rémi ARAUD


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