Jean-François est depuis deux ans le directeur général de Jointex, entreprise
de 250 personnes donc l’activité est la production et la vente de joints. Pas
les cigarettes interdites qui font rire et nous liquéfient. Bien au contraire,
les joints fabriqués par Jointex permettent d’assurer l’étanchéité. Ronds,
carrés ou ovales, en papier, en silicone ou aluminium, de quelques centimètres
à plus de 5 mètres de diamètre, de trois microns d’épaisseur à des centaines de
centimètres… La gamme est large et en constante évolution pour répondre aux
besoins des clients. Les utilisations sont nombreuses et variées : assurer
l’imperméabilité des centrales nucléaires, le bon fonctionnement de train
d’atterrissage de l’A380, le rendement optimum d’une machine-outil ou de notre
lave-vaisselle.
La concurrence est presque aussi nombreuse que le sont les applications. Heureusement pour Jointex, celle-ci est avant tout asiatique et leur capacité à livrer vite, en petite série et sans défaut n’est pas encore suffisante. Aussi, pour Jointex, le respect de l’engagement pris sur le délai entre la signature du bon de commande, la livraison chez le client et la conformité au micron près par rapport au cahier des charges sont les raisons essentielles de la fidélité des clients et du choix des prospects pour oser une première commande.
La concurrence est presque aussi nombreuse que le sont les applications. Heureusement pour Jointex, celle-ci est avant tout asiatique et leur capacité à livrer vite, en petite série et sans défaut n’est pas encore suffisante. Aussi, pour Jointex, le respect de l’engagement pris sur le délai entre la signature du bon de commande, la livraison chez le client et la conformité au micron près par rapport au cahier des charges sont les raisons essentielles de la fidélité des clients et du choix des prospects pour oser une première commande.
Le premier jeudi de chaque mois, Jean-François réunit une ribambelle
de directeurs : commercial, production, ressources humaines, financier,
informatique, recherche et développement. C’est le sacro-saint CODIR, durant
lequel les chiffres sont regardés, analysés, commentés, les investissements
évoqués et parfois décidés, les dépenses scrutées, les embauches gelées ou
relancées, les stratégies proposées et affinées… Bref, ça bosse dur !
Mais Jean-François a les pieds sur terre, quelques certitudes et une
vraie passion pour les deux métiers de l’entreprise : la production et la
vente. Il sait que la bonne santé de Jointex est avant tout liée à la qualité
du travail des opérateurs et des vendeurs. Comme il le dit souvent en
plaisantant – mais pas tant que ça en fait !- aux managers et aux employés
des services supports : « Vous, vous coûtez de l’argent, eux en
rapportent ! ». Il y a deux ans, en arrivant, il avait demandé à la directrice
commerciale et à la directrice de la production, quelle était la différence
entre un bon et un mauvais opérateur, entre un bon et un mauvais vendeur. La
directrice commerciale – Isabelle - l’avait alors bombardé d’indicateurs tous
plus pertinents les uns que les autres, mais tellement nombreux qu’aucune
réponse compréhensible à sa question n’en ressortait. Quant à la directrice de
production – Virginie -, elle s’était sortie de ce mauvais pas en s’inspirant
du sketch des Inconnus durant lequel ils devaient répondre à la même
question : « C’est quoi la différence entre un bon et un mauvais
chasseur ? » (Voici le lien pour le sketch : https://www.youtube.com/watch?v=QuGcoOJKXT8 …si vous vous
faites chopper devant votre écran, évidemment vous travaillez puisque vous
lisez un billet pro !). « En gros et pour faire simple, le bon
opérateur fait des choses que le mauvais fait aussi, mais le bon…il est bon.
Voilà voilà ! »…avait-elle déclaré mi-amusée par son culot, mi gênée
par son incapacité à proposer une réponse précise.
Jean-François, au vu des non réponses avait organisé une réunion de
travail visant à discerner les deux indicateurs essentiels de chacun des deux
métiers de l’entreprise. Suite à de longues discussions, ils avaient fini par
se mettre d’accord sur les deux indicateurs suffisants par métier, qui à eux
seuls permettaient de mesurer la performance individuelle. L’un quantitatif,
l’autre qualitatif. Pour les opérateurs : le nombre de pièces usinées
(calculées en appliquant un coefficient en fonction de la difficulté et du
temps imparti pour chacune d’elle) et le taux d’acceptation des commandes suite
au contrôle qualité du client. Pour les vendeurs le nombre de rendez-vous prospects/clients
et le CA généré.
Depuis, avant chaque CODIR, Jean-François demande à Isabelle et
Virginie, de l’informer selon les quatre indicateurs des deux meilleurs
contributeurs du mois. Le meilleur à la production et le meilleur à la vente. Le
meilleur contributeur de chacun des deux métiers de l’entreprise. Jean-François,
se fait un plaisir de personnellement les inviter au CODIR. Et le CODIR
commence invariablement par l’accueil des deux meilleurs joueurs du match du
mois précédent. Pour l’opérateur, ce n’est pas trop difficile. Il est juste en
dessous de la salle de réunion du CODIR, dans l’atelier. Pour le vendeur, c’est
parfois moins simple…Il peut-être à plus de 800 km. Mais Jean-François est
intransigeant. Il sait l’enjeu de cette rencontre avec ceux qu’il appelle
presque sans rire « mes héros ». L’objectif de leur présence n’est ni
de singer une émission de jeu télévisé où le gagnant se voit gratifier d’une
standing ovation pour avoir réussi la prouesse de trouver au gramme près, le
poids d’un camion et de son chargement de rouleaux de réglisse avec le bonbon
au milieu, ni même d’inciter à une compétition
malsaine et collèguicide. Pareil que fratricide mais entre collègues.
L’objectif
est triple : se redonner des certitudes sur les leviers de performance
–encore plus lorsque le joueur est éloigné d’un management pouvant le regarder
faire son métier -, capitaliser sur des savoir-faire immédiatement opérationnels
car duplicables facilement pour un progrès
sensible et remercier les contributeurs essentiels.
Chacun des deux collaborateurs est d’abord félicité pour sa
performance puis écouté sur la manière dont ils ont réussi. Bien souvent,
l’implication et le suivi des process techniques et commerciaux sont les vrais
raisons de la réussite. Mais appliqué avec un peu plus de conviction, un peu
plus de rigueur que les autres qui à expérience égal pourraient obtenir le même
niveau de résultat. Parfois, à l’écoute du récit, on peut entendre une
innovation, pas grand-chose, un petit truc, mais qui a permis de gagner
quelques secondes par pièces, de générer quelques euros de plus par commande.
Un petit quelque chose que le vendeur ou l’opérateur lui-même n’avait pas
conscience d’avoir fait, mais qu’une question d’intérêt du DAF ou du directeur
informatique a permis de mettre à jour. Une bonne question généralement…Emanant
d’un spectateur un peu naïf car éloigné du métier de la production et de la
vente. Mais une question qui permet de mieux comprendre, de plus expliciter ce
qui paraît évident mais qui bien souvent ne l’est pas tant que ça. Ce basique
de plus, ce micro-process, Jean-François veillera à ce qu’il soit mis en
sécurité dans un référentiel métier mais surtout annoncé, expliqué, exigé et
piloté auprès des autres collaborateurs. Parfois, l’opérateur du mois, le
vendeur du mois…un peu impressionné n’arrivera pas à expliquer le pourquoi de
son succès. Il se contentera de dire : « C’est normal, je suis payé
pour ça ». Ou de le minimiser : « C’était des pièces faciles à
usiner », « les clients étaient de bonne humeur ». Alors, Jean-François,
Virginie et Isabelle se contenteront de ce récit approximatif, mais ne
manqueront pas de le féliciter en faisant un lien certain entre sa rigueur, sa
discipline dans l’application des process et son excellente performance.
Jean-François a un talent. Celui de maintenir ce rite lors de ses
Codir. Les ordres du jour sont toujours sans fin et il serait facile de
supprimer la réception des « deux héros » du mois. Pas toujours…juste
une fois…Puis une deuxième. Et finalement, si, toujours ! Et pourtant,
même si la tentation veut endormir sa conscience, Jean-François résiste contre
cette petite lâcheté qui consisterait à abandonner ce moment de rencontre et
d’écoute. Car il sait que ce moment est LE moment essentiel du CODIR. Que les
autres points plus stratégiques, plus tournés vers l’avenir, aussi important
soient-ils, ne seront couronnés de succès que si les métiers de l’entreprise
sont aujourd’hui, dans « l’ici et maintenant » incarnés à la
perfection par quelques collaborateurs exemplaires. Autant de phares et de
références identifiés. Des phares allumés par la reconnaissance de leur
management.
Dans le cas contraire, les qualités baisseront, les erreurs
apparaîtront, les oublis se multiplieront, les revendications s’exprimeront,
les excuses foisonneront…et les moyens pour financer les stratégies de
développement s’amoindriront.
Et vous…qu’en pensez-vous ?
Rémi ARAUD
06 37 69 20 19
www.premiers-de-cordee.com
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